Cannabis thérapeutique : un myopathe condamné en appel
Le 11 juillet 2013, la cour d’appel de Besançon a condamné à 50 euros d’amende avec sursis un patient atteint de myopathie qui réclamait le droit de recourir à du cannabis pour soulager ses douleurs. Militant pour l’usage thérapeutique du cannabis, le prévenu envisage de se pourvoir en cassation.
Un spray buccal à base de cannabis pourrait prochainement être autorisé en France.
Réalité médicale dans de nombreux pays européens, le
cannabis thérapeutique reste tabou en France mais les choses pourraient prochainement changer grâce à un nouveau décret publié en juin dernier.Dominique Loumachi condamné en appel à une amende symboliqueDepuis l’enfance, Dominique Loumachi souffre d’une dermatopolymyosite caractérisée par l’inflammation et la dégénérescence des fibres musculaires. Sa vie est ponctuée de douleurs, de séjours à l’hôpital et de lourds traitements médicamenteux. En 1992, il se tourne vers un remède alternatif et illégal : le
cannabis. Il le fume, l’infuse ou le cuisine, le dosant en fonction de ses douleurs. Pour sa consommation personnelle, il plante quelques pieds chez sa soeur à Belfort, mais la police les découvre et les saisit.En mars 2013, le
tribunal correctionnel de Belfort lui avait refusé le droit de recourir à du cannabis pour soulager ses douleurs et l’avait condamné à 300 euros avec sursis. Le 11 juillet, la cour d’appel de Besançon confirme la condamnation pour “usage et détention de stupéfiants“ et lui inflige 50 euros d’amende avec sursis, estimant que “il n’existe aucune certitude quant au bien de la consommation du cannabis sur sa maladie et sur l’impérieuse nécessité de fumer à des fins thérapeutiques“. Militant pour l’usage du cannabis thérapeutique, Dominique Loumachi a déclaré vouloir se pourvoir en cassation et aller si nécessaire jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.Les propriétés du cannabis thérapeutiqueL’intérêt pour le cannabis ou chanvre indien a été relancé dans les années 90 par la découverte d’un analogue du cannabis fabriqué par l’organisme, le cannabinoïde endogène, présent dans le cerveau des hommes comme des animaux. Depuis, plusieurs centaines d’études1,2 ont confirmé certaines de ses propriétés :
- Propriétés antidouleur, en particulier pour les douleurs chroniques résistantes3 ;
- Propriétés anti-spasmes, utiles en cas de sclérose en plaques4 voire d’
épilepsie partielle5 ;
- Propriétés anti-vomitives et contre les nausées, pour les patients sous
chimiothérapie6,7 ou atteint d’un sida8 ;
- Stimulation de l’appétit, en cas de maigreur importante ou de
cachexie chez personnes âgées en long séjour9, les patients atteints d’une maladie d’Alzheimer10 ou du sida11 ;
- Mais aussi une amélioration du
sommeil12,13, une dilatation des bronches insuffisante cependant pour traiter l’
asthme14, une dilatation des vaisseaux pouvant améliorer le
glaucome15, etc.
D’autres études en cours s’intéressent à ses propriétés face à l’anorexie, l’inflammation, la pression artérielle, certaines tumeurs cérébrales, les troubles obsessionnels compulsifs, le syndrome de la Tourette…Un spray buccal à base de cannabis bientôt autorisé en France ?Son usage médical est une réalité dans plusieurs pays européens dont les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, ainsi qu’au Canada, en Australie et dans plusieurs États américains. Mais la France reste extrêmement réticente en partie à cause de la représentation que le grand public se fait des dangers du cannabis et de la polémique sur la légalisation de l’usage récréatif du cannabis qui brouille le débat. Aujourd’hui, un seul dérivé cannabinoïde, le
Marinol (dronabinol), peut être prescrit pour des douleurs chroniques dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), une procédure spéciale réservée à des pathologies pour lesquelles il n’existe pas de traitement approprié.En février 2013, le ministère de la Santé déclare avoir demandé à l’agence du médicament (ANSM) d’étudier le dossier du
Sativex (Almirall), un spray à base de dérivés du cannabis, déjà disponible dans la plupart des pays européens pour soulager des patients atteints de sclérose en plaques. Mais pour que cela soit possible, il faut d’abord modifier le décret interdisant l’utilisation des dérivés de cannabis à visée thérapeutique… C’est chose fait en juin 2013, avec un
décret signé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui autorise l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à examiner les demandes de mise sur le marché de médicaments à base de cannabis16.S’il ne connaît pas d’obstacles particuliers (il a déjà été autorisés dans de nombreux pays européens), le Sativex pourrait arriver sur le marché d’ici la fin 2014 ou le début 2015.David Bême
1 – “Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse“, Michka et coll. Mamma Editions, 2009
2 – Association Internationale pour le Cannabis Médical, Etudes et observations, août 2008, bibliographie très complète
accessible en ligne
3 – “Efficacy of dronabinol as an adjuvant treatment for chronic pain patients on opioid therapy“. Narang S et coll. J Pain 2008;9(3):254-64, résumé
accessible en ligne
4 – “Randomized controlled trial of cannabis-based medicine in spasticity caused by multiple sclerosis“. Collin C et coll. Eur J Neurology 2007;14(3):290-296, résumé
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5 – “Marijuana: an effective antiepileptic treatment in partial epilepsy? A case report and review of the literature“. Mortati K et coll. Rev Neurol Dis. 2007 Spring;4(2):103-6. Review, résumé
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6 – “Marijuana as antiemetic medicine: a survey of oncologists’ experiences and attitudes“. Doblin RE, Kleiman MA. American Journal of Clinical Oncology 1991; 9: 1314-1319, résumé
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7 – “Efficacy of dronabinol alone and in combination with ondansetron versus ondansetron alone for delayed chemotherapy-induced nausea and vomiting“. Meiri E et coll. Curr Med Res Opin 2007;23(3):533-43, résumé
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8 – “Marijuana use and its association with adherence to antiretroviral therapy among HIV-infected persons with moderate to severe nausea“. De Jong BC et coll. J Acquir Immune Defic Syndr 2005;38(1):43-6, résumé
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9 – “Anorexia of aging in long term care: is dronabinol an effective appetite stimulant? – a pilot study“. Wilson MM et coll. J Nutr Health Aging 2007;11(2):195-8, résumé
accessible en ligne
10 – “Effects of dronabinol on anorexia and disturbed behavior in patients with Alzheimer’s disease“. Volicer L et coll. International Journal of Geriatric Psychiatry 1997;12:913-919, résumé
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11 – “Dronabinol and marijuana in HIV-positive marijuana smokers. Caloric intake, mood, and sleep“. Haney M et coll. J Acquir Immune Defic Syndr 2007;45(5):545-54, résumé
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12 – “Effect of Delta-9-tetrahydrocannabinol and cannabidiol on nocturnal sleep and early-morning behavior in young adults“. Nicholson AN et coll. J Clin Psychopharmacol 2004;24(3):305-13, résumé
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13 – “Cannabis, pain, and sleep: lessons from therapeutic clinical trials of Sativex, a cannabis-based medicine“. Russo EB et coll. Chem Biodivers. 2007 Aug;4(8):1729-43, résumé
accessible en ligne
14 – “Medicinal use of cannabis: history and current status“. Kalant H. Pain Res Manag. 2001 Summer;6(2):80-91, résumé
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15 – “Effect of sublingual application of cannabinoids on intraocular pressure: a pilot study“. Tomida I et coll. J Glaucoma 2006;15(5):349-353, résumé
accessible en ligne
16 –Décret n° 2013-473 du 5 juin 2013 modifiant en ce qui concerne les spécialités pharmaceutiques les dispositions de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique relatives à l’interdiction d’opérations portant sur le cannabis ou ses dérivés – JORF n°0130 du 7 juin 2013 page 9469 – texte n° 13 (
accessible en ligne)Photo : ©GW PharmaceuticalsClick Here: United Kingdom Rugby Jerseys