VIH/Sida : l'OMS recommande une meilleure utilisation des antirétroviraux

En préambule de la Conférence internationale sur le sida à Washington, l’Onusida publie les dernières données sur l’épidémie et l’Organisation mondiale de la santé(OMS) préconise une utilisation plus stratégique des médicaments antirétroviraux pour réduire, voire enrayer, la transmission du virus.

Le nouveau rapport 2012 de l'ONUSIDA, intitulé Ensemble nous vaincrons le sida, fait le point sur les derniers chiffres de l'épidémie.

Le nombre de personnes traitées augmente moins vite que le nombre de contaminationsSelon le dernier

rapport de l’Onusida1, 8 millions de personnes bénéficiaient d’un traitement fin 2011. Un chiffre record qui traduit une hausse de 20 % par rapport à 2010 et une multiplication par 26 depuis 2004 ! Un accès élargi aux traitements qui a permis de réduire la mortalité, en particulier en Afrique subsaharienne, région particulièrement touchée par l’épidémie (- 31 % de décès par rapport à 2005). Aujourd’hui, 54 % des 15 millions de patients en attente de traitement dans les pays à revenus faibles et intermédiaires peuvent en bénéficier. “Une décennie de traitement antirétroviraux a transformé l’infection par le VIH d’une sentence de mort en une maladie chronique gérable“ souligne ainsi le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon dans l’introduction du rapport, qui rappelle l’objectif d’éliminer les nouvelles infections chez les enfants dans les trois ans et de parvenir à traiter 15 millions de personnes d’ici 2015. 

Nombre de personnes bénéficiant d’une thérapie antirétrovirale par rapport à l’objectif fixé pour 2015, et nombre de décès liés au sida, pays à faible revenus et à revenus intermédiaires, 2003-2011Même si le coût annuel d’un traitement est passé entre 2000 et 2011 de 10 000 dollars par personne à moins de 100 dollars, les financements consacrés à la lutte contre le sida accuse un manque d’environ 7 milliards annuels selon l’Onusida. Au total, 16,8 milliards de dollars ont été consacré à ce fléau en 2011, en hausse par rapport à 2010. Cette tendance est principalement liée aux investissements nationaux des pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires (plus de 80 pays ont augmenté d’au moins 50 % leurs investissements nationaux en faveur de la lutte contre le sida), tandis que les financements internationaux sont restés stables autour de 8,2 milliards (dont 48 % fournis par les États-Unis).Mais le nombre de personnes traitées augmente moins vite que le nombre de contamination, ce qui implique une nouvelle stratégie selon le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS2 : “Pour chaque personne qui démarre le traitement, deux autres s’infectent. Une nouvelle extension et l’utilisation stratégique de ces médicaments pourraient radicalement modifier la donne. Nous avons maintenant des données établissant que les mêmes médicaments que nous utilisons pour sauver des vies et garder les gens en bonne santé peuvent aussi les empêcher de transmettre le virus et réduire le risque d’infecter autrui“.Un traitement précoce et une réduction de la transmission au sein des couplesEn 2011, une étude a révélé que les antirétroviraux permettaient de diminuer de 96 % la transmission du virus dans les couples au sein desquels un des deux partenaires est séropositif3. Des données confirmées depuis par d’autres travaux. A la lumière de ces résultats, l’OMS préconise une utilisation plus stratégique des antirétroviraux qui passe par :

  • Proposer le traitement antirétroviral au partenaire séropositif, au sein des couples sérodiscordants, quel que soit l’état de son système immunitaire de façon à réduire la probabilité de transmission du VIH au partenaire indemne. Selon l’OMS, on estime que 50 % des personnes séropositives en couple ont des partenaires séronégatifs. Le Rwanda et la Zambie ont mis en œuvre cette politique ;
  • Proposer les antirétroviraux à toutes les femmes enceintes séropositives, quel que soit l’état de leur système immunitaire et leur demander de poursuivre le traitement à vie. En plus de prévenir la transmission mère-enfant, cette stratégie permettrait de protéger le partenaire. Une stratégie mise en œuvre au Malawi ;
  • Administrer plus tôt les antirétroviraux et non uniquement lorsque la numération des CD4+ est égale ou inférieure à 350 cellules/mm3. Cela permettrait de réduire le risque de transmission mais également le risque d’autres problèmes de santé liés au VIH, comme certains types de cancers, de cardiopathies et de diabète.

Délivrer les antirétroviraux plus tôt ou à davantage de patients reviendrait à faire passer de 15 à 23 millions le nombre de personnes devant bénéficier d’un traitement dans les pays à faible revenu ou intermédiaire. Un surcoût qui selon l’OMS sera largement compensé dans les 10 ans par les avantages d’une telle stratégie : main d’œuvre en meilleure santé, diminution du coût des traitements et des soins aux orphelins…Les stratégies PrEP à l’étudeEn plus de ces approches ciblées, l’OMS évoque les récentes études qui rapportent un effet préventif des antirétroviraux chez les personnes séronégatives exposées à un risque élevé d’infections (les traitements PrEp).

Trois études ont récemment été publiées dans la revue médicale The New England Journal of Medicine. La première4 conduite au Kenya et en Ouganda auprès de 4747 couples hétérosexuels sérodiscordants a montré qu’en plus d’une sensibilisation à la prévention des infections sexuellement transmissibles et d’un dépistage régulier, l’utilisation quotidienne d’antirétroviraux par le partenaire non infecté permettait de réduire son risque de contamination de 75 % avec le

Truvada ® (ce médicament vient de recevoir de la part de l’agence américaine du médicament FDA une

autorisation de mise sur le marché en tant que premier traitement préventif) et de 67 % avec

Viread ® par rapport à un placebo. L’effet protecteur du Truvada ® a été rapporté par une seconde étude5 conduite au Botswana auprès de 1 219 couples avec une réduction du risque de 62,2 %. Mais la troisième étude6 conduite auprès de 2120 femmes séronégatives du Kenya, Afrique du sud et Tanzanie n’a pas mis en évidence d’effet protecteur du Truvada ®, un résultat qui pourrait s’expliquer par la moins bonne adhésion au traitement des participantes.Un éditorial7 accompagnant ces résultats a souligné les questions qui restent encore en suspens concernant l’impact à long terme d’une prise de ces médicaments chez des personnes en bonne santé, la possible survenue de résistance, l’interruption du traitement, l’impact sur les comportements sexuels…Concernant cette utilisation préventive des antirétroviraux, l’OMS déclare collaborer avec des pays ayant des épidémies concentrées autour de communautés à risque bien identifiées (comme les gays ou les transgenres). En France, un essai baptisé Ipergay évalue l’effet préventif d’une prise de Truvada ® “à la demande“ chez les homosexuels masculins8.L’OMS planche sur de nouvelles recommandations

Enfin, l’organisation internationale annonce qu’elle publiera dans les 12 prochains mois de nouvelles recommandations relatives à l’utilisation des antirétroviraux pour le traitement et la prévention du VIH. Lors de la

Conférence internationale sur le sida qui débute à Washington le 22 juillet, l’OMS fera également le point sur diverses questions dont les services pour le VIH pour les professionnels du sexe, la prévention du VIH et de l’hépatite chez les toxicomanes…David Bême1 – “Together we will end aids“ – rapport Onusida juillet 2012 (

accessible en ligne)2 – Une utilisation plus stratégique des antirétroviraux pourrait mettre fin à la transmission du VIH – Communiqué de presse de l’OMS – 18 juillet 20123 – Prevention of HIV-1 infection with early antiretroviral therapy – Cohen MS et al. – N Engl J Med. 2011 Aug 11;365(6):493-505. Epub 2011 Jul 18. (

étude accessible en ligne)4 -Antiretroviral Prophylaxis for HIV Prevention in Heterosexual Men and Women. – Baeten JM et al. – N Engl J Med. 2012 Jul 11. (

accessible en ligne)5 – Antiretroviral Preexposure Prophylaxis for Heterosexual HIV Transmission in Botswana – Michael C. Thigpen et al. . – N Engl J Med. 2012 Jul 11. (

accessible en ligne)6 – Preexposure Prophylaxis for HIV Infection among African Women. – Van Damme L et al. – N Engl J Med. 2012 Jul 11. (

accessible en ligne)7 – Preexposure Prophylaxis for HIV – Where Do We Go from Here? – Cohen MS, Baden LR – N Engl J Med. 2012 Jul 11. (

accessible en ligne)8 – Plus d’informations sur le site consacré à cette étude

http://www.ipergay.fr/Photo : Campagne d’information contre le Sida en Ouganda – CHALASANI/SIPAClick Here: los jaguares argentina

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