« Si "Dawson" a permis de changer la pop culture pour ados, c'est une grande fierté », déclare Joshua Jackson
Lui parler de Dawson ou pas ? Il doit en avoir un peu marre. D’autant plus qu’il a depuis interprété plusieurs rôles importants, au cinéma (Urban Legend, The Skulls) mais surtout à la télévision avec Fringe, The Affair ou encore récemment Little Fires Everywhere. Mais Joshua Jackson restera pour beaucoup Pacey Witter. La surprise ne sera que plus grande de le découvrir dans Dr. Death, diffusée depuis dimanche sur Starzplay. L’acteur y interprète Dr. Christopher Duntsch, jeune chirurgien charismatique et apparemment brillant, dont les patients sortaient de la salle d’opération mutilés, paralysés voire morts. Une incroyable histoire vraie, déjà adaptée en podcast aux Etats-Unis.
Dans un rôle prévu à l’origine pour Jamie Dornan (Cinquante nuances de Grey), Joshua Jackson donne tout, impressionne, met mal à l’aise, désempare, alors que la série tente de sonder l’esprit torturé de ce docteur de la mort, et raconte aussi comment deux confrères, parfaits Alec Baldwin et Christian Slater, décident de l’arrêter coûte que coûte. 20 Minutes ne pouvait pas passer à côté de l’occasion d’interviewer Joshua Jackson, qui porte un regard conscient, intelligent voire engagé sur sa carrière et ses rôles.
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De quel rôle ou série les gens, les fans, les journalistes aussi, vous parlent le plus ? « Dawson », « Fringe », « The Affair », voire « Les Petits Champions » ?
Peut-être Les Petits Champions car c’est le plus ancien, et les gens ont eu le temps d’en parler, de le partager. Vous savez, quand une oeuvre touche les gens quand ils sont jeunes, elle reste avec eux toute leur vie. C’est le cas de Dawson, des Petits champions aussi. Mais j’ai la chance incroyable de faire ce métier depuis assez longtemps, et d’avoir assisté aux différentes vies des oeuvres sur lesquelles j’ai travaillé.
Dawson est un bon exemple. J’ai vécu à fond l’expérience de la première diffusion, avec le public qui découvrait la série. Puis elle a disparu des écrans, avant de connaître une seconde vie. Puis une troisième. J’ai des enfants d’amis qui regardent Dawson aujourd’hui. C’est un phénomène finalement assez récent. A l’ère du steaming, nous ne « jetons » plus notre pop culture comme avant. Elle survit. Quand j’étais jeune, tu regardais une série lors de sa sortie, puis elle disparaissait pour presque toujours, tu ne la revoyais pas. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les gens peuvent redécouvrir ces oeuvres encore et encore.
Cela permet de se rendre compte comment « Dawson » a façonné les séries ados tels que nous les connaissons aujourd’hui, et proposé, avec Pacey, un autre modèle pour les garçons, pour une masculinité non-toxique.
A l’époque, nous ne parlions pas encore de masculinité toxique, le terme n’existait même pas. Mais c’est vrai. Je ne sais pas si c’est parce que le créateur Kevin Williamson était un homme gay ayant grandi dans le sud des Etats-Unis et donc qu’il avait une sensibilité particulière à cette masculinité toxique, ou parce qu’il est une âme merveilleuse et sensible et que c’est sorti naturellement de lui…
Et que vous étiez l’interprète de Pacey aussi, non ?
J’ai été élevé par des femmes, sans homme à la maison. Cela m’a permis d’avoir une perspective particulière sur ce qu’est être un jeune homme. Je sais que, depuis le début, Kevin Williamson voulait renverser les normes de genres avec Dawson, que Joey soit le personnage plus masculin, et que Dawson, et bien sûr de Pacey, soient dotés de caractéristiques habituellement réservées aux femmes. Avec le recul, c’est plus révolutionnaire que nous n’en avions conscience à l’époque. Si cela a permis de changer la pop culture pour les jeunes adolescents, avant que le reste de la pop culture ne s’y mette, c’est une grande fierté pour moi.
Vous avez joué plusieurs types de personnages dans votre carrière, mais c’est la première fois que le charmant Joshua Jackson n’est plus si charmant.
Pas vraiment non. Pas du tout même. (rires)
La série joue avec ce qui se cache derrière ce charme, derrière le masque.
C’est l’une des choses que je préfère dans la série, la manière dont le créateur Patrick Macmanus a choisi de raconter son histoire. Il aurait pu en faire du Dr. Death, de Christopher Duntsch, le diable incarné, car la fin de l’histoire est horrible. Mais il choisit une voie plus conflictuelle et a ancré le personnage dans une culture, une société. A savoir que l’on met trop souvent notre confiance entre les mains des mauvaises personnes. Car ils ont les apparences culturelles qui nous font croire qu’ils sont forcément bons : homme, blanc, puissant, bonne éducation, bonne élocution… Les gens leur accordent tout de suite du crédit. S’ils sont toutes ces choses, ils sont sûrement aussi : fiable, sérieux, compétent…
Or, nous découvrons de plus en plus que ce n’est pas le cas. La masculinité toxique fait partie de ces problèmes. Nous sommes restés trop longtemps aveugles face à ce type de comportements, de représentations. C’était intéressant, et important, d’avoir presque de la « sympathy with the devil », de montrer comme un jeune homme peut devenir un monstre, comme une telle personnalité a été fabriquée culturellement et socialement. Que c’est aussi de notre responsabilité.
« Dr. Death » évite la fascination pour son antihéros, contrairement à d’autres fictions sur les serial killers.
Nous ne voulions surtout pas être dans le sensationnalisme, ou transformer le tueur, le méchant, en un personnage métaphysique comme on le voit souvent. Il est toujours humain. Il a eu un père et une mère, il a vécu dans le contexte d’une époque et d’une culture, tout ça a participé à créer la personne qu’il est devenu. Il y a également de réelles conséquences à ses actions.
C’est le problème que j’ai avec certains films d’action des années 1980 et 1990, où les héros tirent sur tout ce qui bouge, abattent des avions dans le ciel, et on ne voit jamais les conséquences. Alors qu’une balle qui traverse un corps, c’est horrible. Encore aujourd’hui, les Avengers détruisent la moitié de New York mais on les présente comme des héros à la fin. Or, des millions de personnages étaient dans ces immeubles, c’est une catastrophe aux proportions épiques. Nous avons essayé de raconter notre histoire de manière responsable, ce qui n’empêche pas d’être mystérieux, divertissant, complexe.
Vous jouez Christopher Duntsch à différentes périodes de sa vie, dans différents états d’esprit, était-ce difficile, fun, les deux ?
A la fois difficile et excitant. Je suis acteur depuis maintenant 30 ans, j’adore me plonger dans un rôle, avoir le temps de vivre avec le personnage. C’est pourquoi je fais ce métier. Mais ce processus peut être aussi très dur. Christopher Duntsch est tellement déconnecté de ses actions et de leurs conséquences… Je devais ainsi tourner des scènes où tu regardes droit dans les yeux des victimes que tu viens juste de mutiler, paralyser, et tu ne dois exprimer aucune empathie pour elles. C’était donc une expérience très épanouissante, mais j’étais aussi content que ça s’arrête. (rires)
« Dr. Death » est une série sur les hommes, réalisée par trois femmes.
Le showrunner Patrick Macmanus a choisi délibérément trois femmes réalisatrices [Maggie Killey, Jennifer Morrison, So Yong Kim]. Sur le moment, sur le tournage, j’ai surtout constaté qu’elles étaient trois réalisatrices talentueuses et accomplies. Mais maintenant que j’ai vu la série, je reconnais que comme la masculinité toxique est au coeur de l’histoire, c’était brillant d’avoir le point de vue de femmes, des femmes qui ont dû faire face à différentes masculinités toxiques dans leur vie personnelle et professionnelle. L’industrie est récemment devenue meilleure en termes de diversité et d’inclusivité, mais je ne dirais pas qu’elle est bonne. Il y a encore beaucoup de travail.
Si votre personnage au est coeur de la série, il n’est pas toute la série. Il y a également cette sorte de « buddy movie » entre Alec Baldwin et Christian Slater.
J’aurais aimé avoir plus de scènes avec eux, car ils passent clairement un excellent moment. (rires) Qui aurait pu savoir qu’ils allaient former un tel numéro comique, c’était impossible à prévoir. Ils ont une telle alchimie, ils font ressortir le meilleur de chacun.
« Dr. Death » s’inscrit dans le genre médical, dont les séries, de « Grey’s Anatomy » à « New Amsterdam », sont parmi les plus politiques à la télévision. Qu’en pensez-vous ?
(Il réfléchit) J’étais en train de me dire qu’une série policière est aussi politique, à sa manière. Elle ne se revendique pas forcément politique, mais elle l’est. J’ai la conviction personnelle qu’il n’y a pas de séparation entre le politique et le reste. Tout est politique. Quand dans un cop show, le policier n’agit pas de manière héroïque envers ceux et celles qu’il doit protéger, ou tord le système à son avantage, c’est politique. Les séries médicales sont peut-être plus proches de la surface, et donc la politique y est plus visible, car elles parlent de quelque chose de très concret, de nos corps. Et du système terriblement injuste qui peut les broyer. J’ai la nationalité canadienne, donc je sais ce qu’est un système de santé universel, et je suis toujours étonné de voir comment le système américain est inefficace, cruel et coûteux. Comment il bénéficie toujours à un petit groupe de personnes, qui ne sont pas celles qui en ont le plus besoin.
Dr. Death raconte en filigrane que nous avons besoin d’un meilleur système, plus équitable. Cela commence par trouver un bon docteur. Mais un docteur fait partie d’un système médical, qui lui-même fait partie d’un système juridique, politique, etc. Le tout, au final, au détriment de la santé, du patient.
Question bonus : Team Pacey ou Team Dawson ?
Team Pacey bien sûr. Il existe d’autres teams ? (rires)